LES 22 MESURES DE L’ETAT CONTRE LES ACCIDENTS DE ROUTES : Les positions mitigées des acteurs

L’accident de circulation survenu samedi dernier à hauteur du village de Sikilo dans le département de Kaffrine a causé 40 morts et 78 blessés. Après ce drame, un conseil interministériel a été organisé à l’issue duquel 22 mesures ont été prises par le gouvernement de Macky Sall pour limiter les accidents. Nous avons demandé l’avis de quelques transporteurs et usagers sur ces décisions. Les mesures ne font pas l’unanimité.

LES 22 MESURES DE L’ETAT CONTRE LES ACCIDENTS DE ROUTES : Les positions mitigées des acteurs

A la Médina, rue 31 angle 26, deux apprentis sont en train de monter le pneu d’un bus de transport interurbain. Ce véhicule quitte Dakar à destination de Ballou, une localité située dans le département de Bakel, entre la frontière du Sénégal avec le Mali. Le chauffeur du véhicule, El Hadji Dabo, juste à côté, observe ses apprentis à l’œuvre. Apprécie-t-il les mesures prises par le gouvernement lors du conseil interministériel pour lutter contre les accidents ? «Non!», dit-il d’un ton catégorique. «Mais puisque c’est la décision de l’Etat, on y peut rien », ajoute-t-il.

22 mesures en vue de renforcer la sécurité routière.

Si le chauffeur, la quarantaine, semble s’opposer à toutes ces mesures, il y en a cependant, une qu’il avoue ne pas « surtout » admettre : l’interdiction aux conducteurs de transport interurbain de circuler entre 23 heures et 05 du matin.

Toutefois El hadji Dabo a ses raisons : « Nous, on fait plus de 700 km de route. Ne pas circuler entre cet intervalle de temps, sera très compliqué pour nous. Si nous nous plions à cette règle, cela veut dire qu’on sera obligé de faire des escales dans certaines localités avant de reprendre le chemin», explique le chauffeur.

A côté du Marché Fass Delorme, des bagages sont entassés sur le sol, attendant  un véhicule de transport à destination de Ziguinchor. Appelé « Horaire Fass », cette voiture a l’habitude de quitter Dakar à 17 heures pour arriver soit à 13 heures ou 14 heures le lendemain. Bélal est le responsable de ce véhicule de transport interurbain. L’homme âgé d’une soixantaine se dit être surpris par ces mesures prises par l’Etat. De son côté, il ne s’oppose pas totalement à cette interdiction de circuler entre l’intervalle de temps indiqué. Bélal  aurait plutôt  aimé que l’heure soit remontée « un peu ». C’est-à-dire : « 01 heure matin à 5h», propose-t-il.

Comme El hadji Dabo, le responsable de « Horaire Fass » craint que l’application de ces mesures n’engendre des perturbations dans leur travail. « Ce qui est sûr, c’est que nous allons faire une escale quelque part entre 23 heures et 5h, avant de poursuivre le chemin », dit-il.

Ngagne, lui, est chauffeur d’un bus de Téranga Transport situé à la Médina ; non loin de la BCEAO. Les véhicules de l’agence font le trajet Dakar-Kédougou. Ngagne motive son désaccord face à l’interdiction de circuler de 23h à 05h du matin par le fait qu’ils seront désormais obligés de circuler que le jour alors que « cela n’est bon ni pour le moteur ni pour les pneus des véhicules, ni pour les passager », «  parce que nous partons vers des régions chaudes », soutient-il. Tandis que Aïssatou Konté, un voyageur craint que les transporteurs  ne fassent la course contre la montre avant 23 heures. Ce qui, dit-elle, peut être à l’origine d’autres problèmes avec les excès de vitesse.

La suppression des porte-bagages est une des vingt-deux mesures prises par le gouvernement du Sénégal. Cette  décision suscite également beaucoup de réactions, non seulement du côté des transporteurs, mais aussi des passagers. « Si on enlève les porte-bagages, il ne restera que la malle qui ne peut contenir les affaires du nombre de voyageurs que doit transporter ces bus », soutient El hadji Dabo, le chauffeur de Ballou transport.

Vers 14h, un bus de l’agence de transport «Orientale» s'apprête à  quitter la gare en partance vers Kédougou. Le porte-bagage a de quoi supporter comme poids. Les passagers entrent, les uns après les autres, dans le bus. Albert est un des voyageurs. Sac au dos, le jeune homme à la trentaine salue l’interdiction de voyager la nuit. Par contre pour ce qui est des porte-bagages, il nuance : «  Cela nous protège vraiment contre, par exemple, ce qui serait similaire à ce drame que nous avons connu récemment. Mais il faut tout de même reconnaître que la suppression du porte-bagage va  causer des désagréments à nous voyageurs, parce qu’on sera souvent empêché d’amener des choses qui nous sont utiles », ajoute-t-il.

Le Secrétaire général du syndicat des transporteurs routiers du Sénégal, de son côté, tempère : « Nous ne pouvons pas être en désaccord avec ces mesures, sinon nous risquons d’être incompris par la population », soutient Gora Khouma.

Toutefois, il prévient  qu’ils ont des « réserves » par rapport à ce qui a été retenu. «Nous avons traité tous les points, cas par cas et l’Etat a pris des engagements en notre faveur. Il  va nous accompagner sur tous ces 22 points. Et s’il ne tient pas sa promesse, nous allons émettre des oppositions quant à l’application desdites mesures », a averti le Secrétaire général du syndicat des transporteurs routiers.

La visite technique concernant les véhicules de transport qui est d’ailleurs rendue gratuite, suscite elle aussi polémique. Nombre de transporteurs confessent la difficulté qu’ils rencontraient, déjà, en faisant cette visite à Dakar. « Si l’on demande à ce que toutes les voitures des 14 régions du pays viennent faire la visite technique ici à Dakar, ça sera une véritable galère », soutient Ngagne, chauffeur de Téranga transport. « Sur ce point, nous avons opposé un refus immédiat », informe Gora Khouma.

Par Ibrahima MINTHE