Dakar-Médina : Les eaux usées s’imposent aux riverains

A la Médina de Dakar, les eaux usées stagnantes dans les rues rendent le décor répugnant. Actuellement et également durant l’hivernage surtout, les riverains côtoient ces déchets liquides face auxquels ils avouent leur impuissance et crient leur ras-le-bol.

Dakar-Médina : Les eaux usées s’imposent aux riverains

Dans son restaurant situé à la médina, rue 39 angle 18, Sokhna est assise un petit pilon en main en train de piler des condiments. Dans l’autre, elle tient un téléphone en train d'écouter la radio avec une certaine aisance. Pourtant, devant elle, à moins de deux mètres, il y a une flaque  d'eau stagnante. Un liquide qui s’échappe des fosses septiques pour envahir les rues. Ce déchet semble avoir duré à cet endroit selon la dame. D’ailleurs sa couleur verdâtre et l’odeur fétide qu’elle propage en témoignent. 

Sokhna travaille à cet endroit depuis maintenant quinze ans. Elle a l’air d’être moins gênée par  la présence de ces eaux à quelques enjambées de son restaurant. Pourtant cela « l’incommode », mais soutient que c’est une situation qui s'impose à elle.

Les préjudices des eaux usées

 « A vrai dire, ces eaux usées nous incommodent au quotidien. Si je pouvais trouver un autre endroit où vendre, je n’hésiterai pas à y aller. Mais les choses ne sont pas aussi simples que ça. D’ailleurs à cause de ces déchets certains clients m’ont abandonnée ; ils ne viennent plus manger ici », dit la restauratrice.

Devant l’institut islamique El hadji Malick situé à la rue 39 de la médina, Fatou Ba est assise devant une table à quelque mètres des eaux usées sur lesquelles flottent des sachets. La dame vend de la nourriture aux élèves de cet établissement ainsi qu’à d’autres personnes. Cette situation lui cause des  préjudices. Elle informe que certains de ses clients  ont arrêté de venir acheter chez elle à cause de ces eaux. « Ils préfèrent aller manger ailleurs alors je suis installée non loin d’eux », confie-t-elle.

Les rues 22 et 39 et le boulevard de la Gueule Tapée sont les endroits les plus touchés par la présence de ces eaux. A croire des riverains, ces lieux ont longtemps été confrontés à ce problème d’hygiène publique. « Depuis 12 ans », témoigne Ibrahima Diallo commerçant, « 15 ans », selon Baye Fall Sèye, vendeur de café Touba sur le boulevard de la Gueule Tapée.

Le mauvais comportement des uns 

Même si certains riverains procèdent à des nettoyages pour se mettre dans le confort, Oumar, résident à la rue 39, pense que les populations ont une part de responsabilité. Parce que « si c’est seulement les eaux usées, pense-t-il, qui sont déversées dans les fosses, l’on ne serait pas confronté à cette situation désagréable. Mais il n’est pas exclu que d’autres versent toutes sortes de déchets dans les fosses. Et cela va très forcément boucher les canalisations ».

Moudou Mbaye,  commerçant sur le boulevard de la Gueule Tapée, est de cet avis. A cet endroit, deux routes bordent un marché communément appelé « marché mercredi ». Tout au long, on y voit des fosses ouvertes dégageant des odeurs que seule l’habitude aide à supporter. Les eaux qui s’échappent des égouts créent des flaques à différents endroits. Assis devant sa boutique face à une mare sur laquelle scintille ce soleil du jeudi, Moudou déplore, lui aussi,  le comportement de certaines personnes qui « n’hésitent pas à dévier les eaux usées provenant de leurs maisons en vers la chaussée, surtout en période d'hivernage, en temps de pluie ».

Les autorités publiques aux abonnés absents

De son avis, la faute, voire, la responsabilité est également à trouver ailleurs. Selon Modou, ce problème pourrait être expliqué par la forte démographie dans le quartier. « Lorsque l’on faisait les canalisations, il y avait peu de personnes dans ces zones. Maintenant les choses ont changé. Il y a plus de monde. Ce qui augmente le volume d’eaux usées et, en conséquence, provoquer davantage ce à quoi nous sommes confrontés  actuellement », explique-t-il.

« Bamba Fall, le maire de la commune, passe tous les jours avec son véhicule en empruntant cette rue 39. On ne peut donc pas dire qu’il n’est pas courant de ce qui s’y passe. Il pourrait tout au moins en parler aux autorités publiques concernées afin de  résoudre ce problème », pense Baye Fall Sèye, un vendeur de café Touba. 

Pour nombre d’habitants que nous avons interrogés, ce problème sanitaire semble laisser insensibles les autorités. A de nombreuses reprises, indique Ibrahima Diallo, vendeur de café devant le Centre de santé de la fondation Elisabeth Diouf, les rares initiatives sont restées  «sans suite ». 

Des riverains  font cependant savoir qu’ils s’ adonnent, parfois, à des séances de nettoyage. Mais Modou pense qu’il revient aux autorités de le faire, « parce que, nous n’avons pas les moyens de procéder à un nettoyage qui puisse produire un grand résultat ». En attendant d’assainir les lieux, les habitants continuent de cohabiter avec ces eaux usées car, disent-ils, n’ayant pas le choix.

Ibrahima MINTHE