Mor Mbaye Ndiaye, ST-CNSCL: "Le rôle du CNSCL est de permettre aux Sénégalais de participer dans toute la chaîne de valeur pétrolière"

L’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal est prévue courant 2023. Depuis la découverte de ces hydrocarbures, la question du contenu local a suscité beaucoup de réaction. Le Comité national de suivi du contenu local(Cncl) est donc chargé du pilotage et de la mise en œuvre de la politique du contenu locale en matière des hydrocarbures. Nommé Secrétaire technique dudit comité depuis avril 2021, Mor Mbaye Ndiaye, expert en audit, cadre du secteur de l’informatique et télécoms, rappelle dans cette interview accordée à Urbasen les stratégies mises en place par le Sénégal pour permettre aux locaux de tirer profit de l’exploitation de ces ressources.

Mor Mbaye Ndiaye, ST-CNSCL: "Le rôle du  CNSCL est de permettre aux Sénégalais de participer dans toute la chaîne de valeur pétrolière"

On parle souvent du contenu local, qu’est-ce que c’est concrètement ?

Le Contenu local est défini à l’article premier de la Loi n°2019-04 du 1er février 2019 comme étant l’ensemble des initiatives prises pour promouvoir l’utilisation des services, produits et travaux locaux tout en assurant le développement et la compétitivité des entreprises locales sénégalaises dans le secteur des hydrocarbures. En une expression, c’est la préférence locale pour ne pas dire la préférence nationale. Toutefois plusieurs autres définitions ont été données par l’Organisation des Pays africains Producteurs de Pétrole ou la Banque mondiale, toutes sont relatives à la somme des achats locaux de biens et services et à l’utilisation du capital humain local.

Nous sommes presque à 2023 date à laquelle il est prévu le démarrage de l’exploitation des hydrocarbures, est-il déjà effectué au Sénégal un travail qui puisse permettre aux acteurs locaux d'en tirer profit ?

C’est tout le rôle du ST-CNSCL qui vise à permettre aux sénégalais, personnes physiques comme morales, de participer activement dans toute la chaîne de valeur pétrolière. D’ailleurs il y’a un décret qui traite spécifiquement des modalités de participation des investisseurs sénégalais dans les opérations pétrolières sous le contrôle et la supervision du ST-CNSCL.

En effet, le décret n°2020-2065  du 28 octobre 2020, fixant les modalités de participation des investisseurs sénégalais dans les entreprises intervenant dans les activités pétrolières et gazières et classement des activités de l’amont pétrolier et gazier dans les régimes exclusifs, mixtes et non exclusifs, prévoit les modalités de participation des investisseurs qui souhaitent intervenir dans le secteur. Il est complété par une ligne directrice portant sur les modalités d'association des entreprises étrangères et locales  dans le cadre des activités qui relèvent du régime mixte. Cette ligne adoptée par le CNSCL exige la participation des entreprises locales  à hauteur de 5% au moins dans le capital de la joint-venture si un autre taux plus élevé n’est pas prévu dans le tableau de classification annexé au décret n°2021-249  du 22 février 2021 modifiant le décret n°2020-2065 précité. En effet, il est prévu à côté de la Joint-venture qui nécessite la création d’une personnalité juridique nouvelle, la convention de groupement (groupement d’entreprises momenté), différente de la sous-traitance, souple dans sa création mais qui doit assurer, non seulement la participation de l’entreprise locale, mais aussi le transfert de technologie et sa capacitation.

 

Le ST-CNSCL veille au respect des exigences de contenu local dans le secteur conformément à ses missions rappelées par le décret n°2020-2047 du 21 octobre 2020 portant sur l’organisation et le fonctionnement du CNSCL

50% du contenu local aux nationaux d’ici 2030, tel est visé par le gouvernement, comment est-il possible d’atteindre cela ?

 Il est certes ambitieux mais bien réalisable. Nous avons pour mission de l’atteindre en utilisant tous les moyens mis à notre disposition afin de faire de cette politique de contenu local une réalité au Sénégal. Nous suivons cet objectif à travers les Plans de Contenu local (PCL) que doivent soumettre chaque année les opérateurs et leurs sous-traitants de rangs 1 et 2 avant le 30 juin et dans lesquels l’Indicateur de Contenu Local (ICL) est mesuré et calculé suivant la formule légale découlant de l’article 22 du décret n°2020-2047 précité. Rappelons que cet objectif est fixé bien avant le début de la production contrairement à d’autres pays producteurs africains comme le Nigeria qui a adopté sa Loi sur le contenu local 2011 alors qu’il a commencé la production depuis 1958 ou la Côte d’Ivoire qui exploite depuis plus de dix ans et qui vient d’adopter en 2022 sa loi sur le Contenu local.

Nous espérons qu’avec le début de la production en 2023, il y’aura beaucoup plus de participations d’investisseurs locaux dans la chaîne de valeur pétrolière augmentant ainsi l’ICL pour atteindre rapidement l’objectif de 50% de Contenu local d’ici à 2030.

Il est important de rappeler qu’environ 70% des ressources pétrolières sont constitutives de coûts pétroliers. Le contenu local pourrait être défini par la part de cette manne financière que l’activité économique nationale aura réussi à capter.  Ainsi, l’objectif de 50% se traduirait par l’absorption de la moitié de ses coûts pétroliers par notre économie.

A en croire certains, les entreprises nationales ne sont pas encore bien outillées pour profiter de l’exploitation de ces hydrocarbures. Elles seront plutôt sollicitées pour tout ce qui est sous-traitance.

Le Sénégal n’est pas encore un pays producteur. Il est tout à fait normal que nos entreprises ne soient pas outillées en ce moment et soient confrontées à des déficits de capacités techniques, organisationnelles et financières au vu des standards, normes et exigences très élevés du secteur pétrolier et gazier. Toutefois, le Fonds d’Appui au Développement du Contenu local (FADCL) a été institué pour accompagner les entreprises locales dans le cadre de leur capacitation et de leur mise à niveau.

Il faut préciser aussi que la sous-traitance n’est pas un problème dans la chaîne de valeur pétrolière étant entendu que toutes les opérations reposent sur celle-ci. Ce qui est important c’est le transfert de technologie et des connaissances qu’il faudra mettre en exergue en facilitant la participation des entreprises locales.

Ibrahima MINTHE