Sénégal : La lutte contre les OGM se poursuit

Le 03 juin passé, une nouvelle loi sur la biodiversité a été votée à l’Assemblée nationale en l’absence des acteurs de la société civile. Cette loi est favorable aux organismes génétiquement modifiés alors qu’en 2009 une autre interdisait l’importation et la commercialisation ces produits dans le pays.

Sénégal : La lutte contre les OGM se poursuit

Au Sénégal, acteurs de la société civile et organisations paysannes poursuivent leur combat pour l’interdiction des Organismes génétiquement modifiés (OGM). Le vote à l'Assemblée nationale, le 3 juin passé, de la loi autorisant l’utilisation de ces produits a davantage créé beaucoup de polémique. Parce que selon la société civile et les organisations paysannes, le vote a été fait en «catimini».

Pourtant, en 2009, la loi n° 2009-27 sur la biodiversité a été votée au Sénégal. Elle interdit l’utilisation et la commercialisation des Organismes génétiquement modifiés. Son adoption, selon Amadou Kanouté Directeur exécutif de l’Institut Panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement, n’avait suscité aucune controverse. « Parce qu’elle a été  adopté de manière inclusive avec toutes les parties prenantes, dit-il. Et c’est tout à fait le contraire en 2022: une loi a été adoptée à l'Assemblée nationale en procédure d’urgence sans débat, sans exclusivité. Cela crée un environnement de suspicions et d’opacité.»

Au-delà de la démarche, sur l’adoption de cette loi, l’inquiétude des opposants aux OGM se trouve ailleurs. Nombre estiment que l’introduction des produits et semences OGM dans le pays est un «danger», parce que « les OGM sont inconnus au Sénégal, soutient le Directeur exécutif de Cicodev. Tout ce que l’on entend, c’est principalement des préoccupations qui sont liées à quelques impacts : ce que leur utilisation, particulièrement leur consommation, peut avoir comme impacte sur la santé humaine, animale, végétale et sur l’environnement. Et puisque nous n’avons pas de réponses concluantes sur ces questions, il va de soi que ça crée un inconnu.»

Ibrahima Seck, le coordonnateur de la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fnab) pense également que c’est une «très mauvaise chose» d'autoriser l'entrée des Organismes génétiquement modifiés au niveau du Sénégal. «Cela pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'agriculture sénégalaise, mais aussi une dépendance du Sénégal aux autres semences : comme des droits de propriété intellectuelle accompagnant ces produits. Ce serait donc une autre forme de colonisation par le biais même des semences et ça va nous faire perdre le contrôle sur ces dernières », pense-t-il.

L'introduction des OGM est «aux antipodes de la promotion de l'agroécologie», pense de son côté  Sidy Ba, porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (Cncr). «Nous avons des semences reproductives et performantes. Nos chercheurs nous ont trouvé des semences adaptées à nos climats, à nos goûts culinaires et à nos sols, donc on ne voit pas la raison qui pousserait le Sénégal à autoriser l’introduction des OGM », s’interroge-t-il.

Faire la promotion de l’agroécologie

Parmi les motifs exposés par les autorités sénégalaises sur l’introduction des OGM, il y a le fait qu’ils répondent à quelques préoccupations dans l’agriculture en corrélation avec le climat. Les OGM, ont-elles fait savoir, peuvent résister à la salinité des sols qui, jusqu’ici, ne sont pas exploités, ils supportent la sécheresse et répondent aux défis climatiques.

Alors que pour le directeur exécutif de Cicodev, il existe déjà des alternatives naturelles qui ont été « développées » dans le pays, des pratiques agro écologiques qui ont «permis de protéger la production alimentaire.»

Au lieu et à la place des produits OGM, il propose de faire la promotion de l’agroécologie. « Aujourd'hui, la voix de l’Afrique pour une production alimentaire saine durable est dans l’agro écologie. C'est de faire en sorte que nous puissions produire, en partant de ce que nous avons de plus : nous avons des terres, de la main d’œuvre, du soleil. Avec ces quatre éléments, si on n’arrive pas à produire, ce ne sont pas les OGM qui vont régler le problème », pense-t-il.

Il regrette cependant, le fait que toutes ces alternatives qui permettent aujourd’hui de cultiver de manière agro écologique ne se soient « jamais promues, parce qu’elles vont subir la concurrence de produits qui viennent de l’extérieur, non validés par les paysans, les consommateurs… Et ce n’est pas la voie du développement. »

Appuyer le développement d'une agriculture durable, écologique et biologique, c’est aussi ce que souhaite Ibrahima Seck. «Cela va nous permettre de produire des aliments sains, mais aussi de favoriser et de faire la promotion de la biodiversité, la séquestration du carbone du sol, compte tenu des effets du changement climatiques », propose-t-il.

Rien n’est encore perdu

Le coordonnateur de la Fnab invite le Président de la République à « ne pas promulguer cette loi » et à la nouvelle Assemblée de l’«abroger».

La lutte contre ces organismes génétiquement modifiés « continue » et «c’est le combat de toutes les organisations paysannes et acteurs de la société civile», soutient Sidy Ba.  «Rien n’est encore perdu, continue-t-il. Notre opposition à ces produits fera effet si, en tant qu'utilisateurs finals, les paysans disent non à ces semences. Et dans ce cas, les firmes qui veulent les introduire au Sénégal n’auront pas gain de cause.»

 

Ibrahima MINTHE