IBRAHIMA NDONGO, EXPERT EN SÉCURITÉ ROUTIÈRE : « L’éclatement d’un pneu ne peut normalement pas causer un tel accident »

Après l’accident survenu la nuit dernière, causant, selon un bilan provisoire de 78 des blessés grave et de 39 morts, nous avons donné la parole à un expert en sécurité routière. Ibrahima Ndongo soutient que l’éclatement d’un pneu ne peut, en aucun cas, causer un tel drame. Et appelle ainsi les autorités à faire des analyses plus profondes des accidents.

IBRAHIMA NDONGO, EXPERT EN SÉCURITÉ ROUTIÈRE  : « L’éclatement d’un pneu ne peut normalement pas causer un tel accident »

L’éclatement du pneu d’un des deux bus, entrés en collision, a été évoqué comme la cause de l’accident survenu hier nuit à hauteur de la localité de Sikilo dans le département de Kafrine.

 Selon Ibrahima Ndongo, expert formateur en transport logistique et sécurité routière, la cause d’un accident, même trouvée, reste une question très sérieuse. Or, de son constat, au Sénégal, après un accident, il y a une démarche de routine  dite administrative qui se fait. Ce qui, à son avis, ne règle pas les choses. « A chaque fois qu'il y a un accident, les forces de sécurité  font toujours un constat qui n’est  rien d’autre qu’une enquête administrative : chercher le nom du conducteur, celui du propriétaire, de l'assureur, connaitre le nombre de blessés ou morts, leur adresse et leur situations  familiale», dit-il.

A son avis, procéder toujours de cette façon peut s’avérer improductif. En ce qui concerne ce drame, en particulier, M. Ndongo pense qu’il est très difficile de trouver la cause réelle qui serait  cachée derrière ce qui est relaté. « On dit que c'est un pneu qui a éclaté. Alors que lorsque cela arrive, dans des conditions normales, à un véhicule normalement chargé, conduit par un conducteur qui tient bien son volant sur une bonne route, il ne  peut y avoir aucune incidence puisse créer un accident d’une telle ampleur», analyse-t-il.

Pour l’expert en sécurité routière, mieux comprendre un tel drame et s’en prémunir, amène à faire une analyse sous différents angles. Techniquement, il y a un problème qui se pose, selon lui : la qualité des bus, dit-il,  qui sont affectés au transport de personnes  au Sénégal sont souvent des véhicules d’occasions. Ces voitures, neuves ou pas, sont « conçues pour transporter à l’intérieur  des personnes et les bagages sur les flancs. Alors que chez nous, on crée  des  porte-bagages qui supportent  des frets de plusieurs tonnes. Et lorsque l’on est dans cette situation, il se passe un problème physique: les forces centrifuges et cinétiques changent. Ce qui fait que, même dans une situation  normale, le véhicule devient instable, à plus forte raison lorsqu’un pneu éclate », explique-t-il. Il ajoute: «  Un véhicule est  dimensionné en fonction de sa charge,  de sa vitesse et de ses pneus. Maintenant s’il est transformé pour prendre un poids supérieur à la normale, le pneu peut éclater parce qu'il n’est pas  fabriqué à cette fin.»

Une autre façon pour mieux comprendre ces genres d'accidents, pense l’expert en sécurité routière, c’est procéder à une analyse qui va s’intéresser au conducteur : «  Faire un audit de ses 48 heures, afin de connaître ce qu’il fait, où ? Est-ce qu’il s’est endormi ? S’était-il vraiment reposé avant de reprendre le volant ?», dit-il.  

 Il soutient par ailleurs que les gares routières au Sénégal  génèrent  des millions «mais il n’y en a aucune qui a des chambres qui puissent permettre aux conducteurs de se reposer. Et malheureusement, ils s’exposent souvent aux excitants pour gagner le sommeil », poursuit-il.

Par Ibrahima MINTHE