«On cultive les OGM parce qu’ils sont la solution à un problème», Pr Diaga Diouf, spécialiste en biologie végétale

Pr Diaga Diouf est enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, à la faculté des Sciences et Techniques au Département de Biologie Végétale. Il a fait sa thèse à Paris 7 Denis Diderot où ses activités de recherche portaient sur la transformation génétique d’un arbre qu’on appelle chêne des marais qui ressemble morphologiquement au filao. Il a été par ailleurs professeur associé à Virginia Polytechnic Institute and State University (Virgina Tech, USA) de 2007 à 2010. Dans cette interview, il revient sur la nécessité de cultiver les plantes OGM et explique le pourquoi de la polémique autour de leur utilisation

«On cultive les OGM parce qu’ils sont la solution à un problème», Pr Diaga Diouf, spécialiste en biologie végétale

On parle souvent des organismes génétiquement modifiés, c’est quoi concrètement ?

Un OGM est un organisme (virus, bactérie, animale ou végétale) dans lequel on a introduit par génie génétique un fragment d’acide nucléique étranger provenant d’un organisme apparenté ou non et d’une manière stable et héritable.

Pourquoi selon vous, ils suscitent autant de polémiques?

C’est dans le secteur agricole que les OGM suscitent autant de polémique car les enjeux sont énormes. Ces enjeux sont économiques, politiques et sociétaux. Par exemple, les entreprises qui commercialisent les insecticides voient leur chiffre d'affaires réduit suite à la culture de plantes OGM résistantes aux insectes. Vous comprendrez aisément que ces entreprises et toutes les personnes ou États qui y ont des intérêts ne sont pas favorables à la culture des plantes OGM. Par contre les grandes firmes qui développent des plantes OGM résistantes aux insectes et ceux qui ont des intérêts dans ces firmes sont favorables à leur utilisation. Le citoyen lambda est pris au piège entre les deux groupes. Il doit analyser froidement la situation en n’écoutant que les arguments basés sur des preuves scientifiques.

Dans le secteur de la santé par contre, il n’y a pas de débat sur l’opportunité ou non d’utiliser des OGM.

Les OGM sont-ils vraiment une menace pour les semences locales ?

Les OGM ne constituent pas une menace pour les semences locales. Les deux (semences locales et modernes) peuvent coexister sans difficultés. Les grandes firmes préfèrent cultiver les semences modernes (améliorées, OGM ou non) car elles répondent mieux à leurs exigences. Quant aux semences locales, elles peuvent être préférées par les petits producteurs.

L’avantage c’est quoi pour un pays comme le Sénégal de cultiver les OGM ?

Tout d’abord on ne cultive pas des plantes OGM par simple plaisir. On cultive ces types de plantes parce qu’il y a un problème dont la solution se trouve dans l’utilisation des OGM. Par exemple, on opte pour la culture de plantes OGM lorsque la pression parasitaire sur les champs est très forte ou il y a une autre contrainte majeure (manque d’eau, carence en vitamines ou en d’autres éléments essentiels) qui limite la production quantitativement ou qualitativement. En ce qui concerne le Sénégal, la culture de plantes OGM tolérantes à la sécheresse permettra d’augmenter la production agricole. La culture du « riz doré » OGM riche en vitamine A améliorera l’état nutritionnel des consommateurs quand on sait que nous sommes dans une zone classée rouge par l’OMS, caractérisée par un fort déficit de cet élément dans l’alimentation de nos populations.

Peuvent-ils, comme le pensent certains, constituer une menace pour l’environnement ?

On a effectivement pensé au début que la culture de plantes OGM serait une grave menace pour l’environnement surtout lorsque des gènes de résistance aux insectes seraient transférés dans le matériel génétique des plantes non OGM (les plantes sauvages apparentées ou autres cultures). Deux hypothèses étaient envisagées soit le développent de parasites hyper-résistants soit une mortalité massive voire une disparition totale des insectes ciblés conduisant à un déséquilibre de la chaîne alimentaire. A l’heure actuelle, aucune de ces hypothèses ne s’est produite.

Y a-t-il cependant un moyen de les cultiver tout minimisant leurs impacts sur l’environnement ?

Effectivement il y a un moyen de limiter les potentiels impacts négatifs sur l’environnement de la culture des plantes OGM mais cela ne peut se faire qu’en adoptant une réglementation dans ce sens d’où la pertinence de la loi sur la biosécurité.

Justement, la nouvelle loi sur la biodiversité votée le 3 juin dernier semble ouvrir la porte aux organismes génétiquement modifiés, qu’elle analyste vous en faites ?

Cette loi donne au Sénégal le pouvoir de décision sur le type d’OGM à faire entrer dans le pays, le type d’OGM à confectionner en tenant compte de nos réalités socio-économiques, culturelles et religieuses. Cette loi réglementera les conditions de culture des plantes OGM, d’élevage d’animaux OGM, la gestion de leurs déchets ou produits dérivés, les conditions de transport, de dissémination volontaire dans l’environnement mais fixe aussi les règles punitives en cas d’infraction afin de mieux protéger le citoyen. Cela est d’autant plus important que certains pays de la CEDEAO (Ghana, Nigéria) font de la culture de plantes OGM. Cet organisme a un règlement sur la question qui s’appliquera à tous les Etats membres et va entrer en vigueur de fait à partir de l'Été prochain. Il est donc pertinent de disposer d'une loi sur la biosécurité dans un tel contexte.

 Ibrahima Minthe